La surcharge du PV
du 5 juin 1974 comportant l’ajout de la mention « pantalon de
couleur sombre ».
Tout le temps du procès, Héloïse
Mathon, la mère de Christian, avait affirmé que les traces de sang
sur le pantalon étaient dues à un accident de moto qu’avait eu
Christian avant le procès. Depuis, Christian gardait ce pantalon
qui lui servait de bleu de travail pour effectuer les travaux
d’entretien. Ce pantalon avait été saisi par la police dans ce
même garage, ce que confirmait un procès-verbal établi le 5 juin
1974 (PV n° 828/4) et avait été largement utilisé par l’accusation
pour montrer que Christian avait changé de pantalon afin de
dissimuler le sang de la victime trouvé sur celui-ci (rappelons à
cet égard que Christian et Marie Dolorès Rambla étaient tous les
deux du groupe sanguin A).
En 1981, soit cinq ans après
l’exécution de Christian et au hasard d’une photocopie qui n’avait
pas reproduit la ligne accusatrice anormalement placée, on
découvre que sur ce PV n° 828/4, la mention « pantalon d’homme
de couleur sombre », relative au pantalon saisi dans le garage de
Christian n’est pas alignée avec les autres lignes constituant le
contenu du procès verbal. Trois expertises démontreront
successivement que cette surcharge constitue vraisemblablement un
faux en écriture publique (couvert par la prescription).
La première fut demandée à M. Faideau,
un expert en écriture publique nominé par la Cour de Cassation, en
1980. L’expertise de M. Faideau s’achève par ces termes :
« - J’ai remarqué que la première
ligne du procès verbal du 5 juin 1974 montait légèrement par
rapport aux suivantes.
« - J’ai remarqué également que
cette première ligne était décalée latéralement vers la droite en
regard de la seconde et des autres lignes.
« - Il est donc probable que cette
première ligne a été ajoutée postérieurement à la rédaction du
procès-verbal […]. »
En août 1981, une requête en révision
déposée par Héloïse Mathon et reprenant l’expertise de M. Faideau
poussa le Ministère de la Justice à accepter une enquête sur ces
anomalies. Or, il apparaît que les conclusions des experts
consultés confirment les constatations réalisées par M. Faideau.
En outre, d’autres anomalies ont été
détectées : le mouvement anormal de la ligne « un pantalon d’homme
de couleur sombre » n’est pas strictement le même sur l’original
et sur la photocopie. En clair, si les experts n’ont pu mesurer le
décalage entre la rédaction et la falsification du PV, leurs
conclusions donnent un large crédit à l’hypothèse de la
falsification du document en question.
Au début de l’année 1984, un nouveau
rapport d’expertise est demandé par le parquet général
d’Aix-en-Provence à M. Glenisson, archiviste paléographe, et à M.
Laufer, professeur à l’Université Paris VIII. Comme leurs
collègues, ces nouveaux experts observent, selon le dossier du
Ministère de la Justice, « l’absence de parallélisme, et le
décalage des caractères du PV ». Dans un premier temps,
ces experts refusent la justification avancée par le commissaire
Alessandra lors de son audition par le substitut du procureur
d’Aix-en-Provence, le 3 octobre 1974, qui expliquait ces
différentes anomalies par un impératif technique rencontré par le
dactylographe : ôter le procès-verbal de la machine à écrire afin
d’ajuster le carbone avec les pelures. Pour les experts, « il
n’y a aucune justification technique à une interruption de la
frappe dactylographique à seule fin de remanier la liasse [de
la machine à écrire] ».
Dans un second temps, les experts
notent un élément supplémentaire et essentiel qui n’avait pas été
exposé par leurs prédécesseurs. « Au point de vue de la
présentation écrite, la ligne 1 [dans laquelle on retrouve la
mention du ‘pantalon bleu’] introduit une discontinuité dans le
cours de la rédaction » notent-ils. Avant d’ajouter : « Nous
estimons hautement invraisemblable que le dactylographe ait
interrompu une ligne d’inventaire laissant un blanc important (de
14 à 17 caractères) ». En clair, compte tenu du poids des
habitudes dans le comportement des dactylographes, la question de
l’intervention d’un deuxième dactylographe se pose pour expliquer
la présence des différentes anomalies.
Cette surcharge constitue un fait
nouveau (puisque non porté à la connaissance des acteurs du procès
et à celle du président de la République) d’une importance
capitale dans la mesure où il discrédite un des éléments qui a
certainement le plus influencé les jurés.
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