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BIBLIOGRAPHIE COMMENTEE :
Christian Ranucci : jusqu'au 28 juillet 1976, Hachette,
1980. (Page 2 sur 2)
B°) La correspondance :
L’éditeur précise qu’un
bon nombre de lettres écrites en détention par Christian n’a pas
pu être retrouvé. On trouve ici une soixantaine de lettres alors
que Christian affirme dans ses premiers courriers, vouloir écrire
« trois ou quatre lettres par semaine à sa mère » (ce qui
multiplierait par trois ou quatre le nombre de lettres ici
publiées). La correspondance reste donc incomplète. La majorité
des lettres, envoyées de façon régulière (tous les quinze ou vingt
jours à peu près jusqu’en Février 1976, puis toutes les semaines
environ jusqu’à la veille de l’exécution) sont de Christian, mais
certaines écrites par sa mère sont reprises ici. Il faut noter que
ces lettres ont été, sur ordre du juge d’instruction, versées au
dossier « parce que faisant allusion aux faits ». Plusieurs
d’entre elles ont été reprises par Gilles Perrault dans Le
pull-over rouge. Ici, on soulèvera quelques aspects qui
n’ont pas trop été développés dans les autres documents qui
concernent l’affaire.
La première lettre de Christian écrite le 18 Juin 1974 constitue
une sorte de réponse aux accusations lancée sur son éducation.
Il écrit à sa mère : « Par moment, j’ai senti que tu avais un
sentiment de culpabilité concernant ce drame, je pense aux
changements de domicile, mais tu n’as aucune raison de penser à
cela » écrit Christian. Les premières lettres font principalement
référence aux journées passées par Christian en prison, et donc à
ses occupations (lectures fréquentes de journaux et de romans,
visites, promenades…).
Ce n’est que le 6 Septembre que Christian aborde des détails
liés à l’affaire : (« En faisant ma consommation d’essence
Nice-Marseille (…) j’ai donc acheté 30 ou 40 litres d’essence ».
Plus loin : « Tout est embrouillé pour moi, il y a trop de choses
qui ne collent pas et que je ne comprends pas ». Peu à peu,
Christian prend la mesure de ce qui s’est passé. Une évolution
visible par exemple dans un courrier envoyé à sa mère le 13
Septembre: « Il semble que l’objectif visé et prioritaire ait été
[lors de l’instruction] de tirer profit du choc que j’ai reçu pour
m’enfoncer ». Le 20 Octobre : « Ce choc passé, j’ai eu le temps
de réfléchir et de mâcher et de remâcher ma bêtise et mes erreurs,
mais dans le fond, ces erreurs ne sont pas de ma faute : j’y
croyais ».
Sont ensuite évoqués certains problèmes avec ses avocats,
comme les absences de Maître Lombard (Ex : dans la lettre datée
du 14 Février 1975 : « Je ne comprends pas cette négligence, il a
bien vu mon impatience ») ou celles (plus rares) de Maître Le
Forsenney (le 8 Mai 1975 : « Par moments, il se fait désirer »).
Absences qui se limitent à certaines périodes de l’année 1975. La
stratégie proposée par Maître Fraticelli, qui visait à réclamer
les circonstances atténuantes, est aussi contestée (le 19 Avril
1975 : « Je trouve la ‘nouvelle voie’ farfelue et pour le moins
bizarre »).
Les lettres échangées avec Héloïse Mathon révèlent aussi les
défauts de coordination entre les trois avocats, les
recherches effectuées par sa mère et les intentions de Christian.
Ainsi dans la lettre du 8 Mai 1975 : « Il faudra un peu plus de
concertation entre toi, les avocats et moi. Pour la lettre à L.,
j’aurais préféré attendre de l’envoyer après ce que je t’ai dit à
ce parloir. Enfin, c’est fait ». Ces mésententes sont à l’origine
de plusieurs quiproquos qui ont certainement nuit aux démarches
visant à innocenter Christian. Exemple avec ce courrier daté du 19
Avril 1975 : « La prochaine fois qu’un renseignement t’est fourni
par Fraticelli, vérifie-le plutôt deux fois qu’une car ce n’est
pas la première fois (…) qu’il y a de telles embrouilles ».
Car Christian participe au travail des avocats. Dans une
lettre adressée à sa mère le 29 Février, Christian lui demande de
chercher quelques dates afin de clarifier ses souvenirs. Il
procède souvent, dans ses lettres, à des analyses sur la manière
dont l’instruction ou le procès ont été menés. Par exemple, dans
une lettre datée du 13 Novembre : « J’ai réfléchi aux différentes
raisons qui font qu’on essaye actuellement, par divers moyens, de
retarder l’échéance ou même d’empêcher que cette étrange affaire
soit démêlée. J’en vois trois. » Et Christian d’énumérer ces
raisons (ici la volonté de gagner du temps, la peur du scandale et
le besoin de gommer les erreurs de l’enquête).
Christian et sa mère prennent aussi plusieurs initiatives au sein
de l’enquête. Ce sont eux qui prennent conscience, au début de
l’année 1976, de l’importance de l’Opinion Publique (un
terme qui revient souvent dans les lettres de Christian). C’est
cette démarche qui sera à l’initiative des relations avec Edwige
Andreani, une journaliste de Var Matin République, qui
aidera Héloïse Mathon à donner au public une meilleure image de
Christian à et l’incitera à écrire « un récapitulatif » (en fait
le cahier écrit par Christian et décrit un peu plus haut), à
alerter de nombreux médias et à rédiger un communiqué de presse.
Ce dernier sera envoyé par Christian le 8 juin 1976, soit une
semaine avant le rejet de la cassation : « J’espère, avec
confiance, affirme Christian, le verdict de Cassation. Mon
innocence est là, indestructible et largement étayée par des
preuves et des témoignages, aussi, je me contenterai de réaffirmer
solennellement devant Dieu et les hommes que l’affaire Dolorès
Rambla m’est totalement étrangère ».
On y voit aussi les espoirs de Christian, généralement vite
déçus. Celui suscité par la perspective du complément
d’enquête, en Mai 1975 (« il est grand temps qu’arrivent les
résultats de l’enquête, que j’espère sérieuse ».) Celui de
l’enquête de l’IGS évoqué dans la lettre du 11 Janvier 1976 :
« S’il y a quelqu’un qui tire les ficelles, celui-là n’a pas le
bras assez long. Il n’a pas pu, par exemple, empêcher que l’IGS
[la police des polices] intervienne ». Souvent, Christian évoque
avec sa mère la vie qu’ils auront après la réhabilitation, les
voyages en Amérique, la vie dans un pays « démocratique et
civilisé ». Passée l’année 1974, la lucidité de Christian est
constante : « Au tribunal, j’ai mal su m’exprimer. Je n’étais
pas moi-même. Ce long internement m’a usé. Tous ceux qui me
connaissent savent qu’en aucun cas je n’aurais fait une chose
pareille » (17 mars 1976).
Comble de l’espoir déçu, Christian, peu avant son exécution, a
appris la fausse nouvelle de la grâce : sur son agenda, à la date
du mardi 27 juillet 1976, on peut lire : « Hier télévision
régionale a annoncé grâce acceptée. Pas autre commentaire. Puis a
été démenti peu après ».
Ces lettres nous renseignent enfin sur les personnages
secondaires de l’affaire qui ont marqué les derniers mois de
la vie de Christian et de sa mère. Comme Monique, à qui Christian
enverra plusieurs lettres, le frère Bonnard, l’instituteur de
collège de Christian, avec qui il correspondra aussi. Y figure
aussi la réponse à Marie-Hélène, une inconnue vivant à Nancy qui
lui a envoyé quelques mots de réconfort et de soutien dans un
courrier daté du 19 mai 1976. « Si ma vie se trouve actuellement
fortement hypothéquée, j’espère et je compte bien que cela est
provisoire » lui écrit Christian le 25 Mai 1976. On repère aussi
certains témoignages de soutien : les uns amicaux ou familiaux
(Cathy, Jean, Jeannine, les Corso…), les autres plus ou moins
liées à l’affaire (Terre des Hommes, la SPA…). Est précisé
l’apport des deux filles de Paul Lombard, qui se sont impliquées
dans l’affaire. La deuxième fille de Maître Lombard recueillera
par exemple les impressions de Maître Ryziger, à la suite du rejet
de la requête en faux qu’il avait déposée au premier président de
la Cour de Cassation.
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