L'affaire Ranucci
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  BIBLIOGRAPHIE COMMENTEE :

Qui a tué Christian Ranucci ?, Mathieu Fratacci, Edition n°1, 1994

Mathieu Fratacci fait partie des policiers qui ont mené l’enquête. Il cherche à démontrer que lui et ses camarades n’ont rien à se reprocher.

Publié bien après le Pull over rouge, son livre constitue une réponse à Perrault. Nous avons souhaité, sur certains points  décisifs, mettre ce qu’affirme Perrault en parallèle des explications de Fratacci. Ces comparaisons sont en italique. Nous avons conservé les titres de chapitre tels qu’ils apparaissent dans le livre. Ces titres figurent en gras dans le présent  document.

L’enlèvement

Mathieu Fratacci trouve calomnieuse la thèse affirmant l’empressement des policiers à trouver un coupable, sous la pression de la presse et de l’opinion publique. Il réfute ainsi l’argument soutenant une discordance entre les dates figurant sur les PV de saisie de pièce à conviction (ce qui impliquerait une manipulation du dossier). D’après lui, quand une procédure est ouverte, un numéro d’ordre qui reste valable pour tous les rapports lui est octroyé. Tous les documents relatifs à l’affaire porteront ensuite la mention du PV initial et reprendront sa date. Chaque PV comporterait donc, selon Fratacci, sa propre date ainsi que la date du PV initial.

Récit des faits :

3 juin 74, les enfants Rambla jouent. 10H50 une voiture grise pénètre dans la résidence. Le conducteur est un homme de grande taille, vêtu d’un costume gris. Cheveux noirs, coupés courts, jeune. Il utilise le prétexte du chien noir.

Eugène Spinelli (carrossier) fait le rapprochement. A 10H50 il avait remarqué une Simca 1100 stationnant au sortir de la Cité. Il déclare avoir vu une fillette monter délibérément à l’avant du véhicule. Un homme d’une trentaine d’années prend le volant, environ 1m80. Mince. Cheveux châtain clair coupés courts. Veste claire et pantalon plus foncé.

Pour Fratacci, Jean Rambla, le petit frère de la victime et témoin de l’enlèvement, a très bien pu ne pas identifier précisément la voiture. De fait, contrairement à ce qu’écrit Perrault, lors de sa déposition du 4 juin, Jean n’aurait pas précisé de marque de voiture. Devant les photos, il aurait désigne une Chrysler.

L’emploi du terme « Chrysler » est ici trompeur. En effet, il apparaît que parmi les modèles de la marque Simca, existe la « Simca Chrysler ». Fratacci tente donc de semer le doute par cet argument fallacieux.

Concernant Spinelli, Fratacci s’étonne qu’ « un professionnel comme lui n’ait pas relevé le numéro minéralogique en pareille circonstance ». La stratégie consiste pour Fratacci à ôter toute crédibilité au témoignage du carrossier, puisque ce témoignage va complètement à l’encontre du dossier d’enquête de la police. Il précise d’ailleurs que Spinelli, dans sa déposition, a nuancé son témoignage par la remarque suivante : « Il est donc possible que j’ai (sic) confondu… ».


Ce que Fratacci omet de préciser, c’est qu’après avoir relu sa déposition, Spinelli a exigé l’ajout d’un paragraphe stipulant qu’étant mécanicien de métier, il connaissait parfaitement tous les types de voitures


L’accident


12H15 Martinez est en route pour Toulon, choc, tête à queue et fuite de la 304 (jamais Fratacci n’emploie le terme « coupé » pour désigner la voiture… Pourtant la différence entre une quatre portes et un coupé permet de différencier la voiture de Ranucci et celle de l’homme au pull-over rouge).

Alain Aubert prend Ranucci en chasse. Un jeune homme descend de la 304, mince, cheveux bruns. « Il gravit le talus en tirant un gros paquet, qui s’avère bientôt être un enfant vêtu d’un short ou d’une culotte blanche ». A ce moment il n’y a pas lieu pour les Aubert de s’inquiéter selon Fratacci, « Cela pourrait être un père avec son gosse » (page 57). Alain Aubert fait demi-tour 50m plus loin. Revient vers la 304, entend des bruits de branchages. Page 58 : « Sa femme l’en dissuade (…). Ce type est plutôt bizarre. Il peut même s’avérer dangereux ». (En l’espace de deux pages, Mathieu Fratacci tente donc de couvrir la confusion des Aubert. Soit l’homme était un père de famille et il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, soit il était dangereux et il fallait agir.) Aubert note le numéro d’immatriculation par « acquis de conscience » Pour Perrault, Martinez avait déjà le numéro et il est probable qu’Alain Aubert ne l’ait même pas relevé.

Selon Fratacci, l’évolution des déclarations des Aubert est « tout au plus l’approfondissement de certains points ».

Pour lui, Ranucci dort dans sa voiture à Salernes la nuit précédant le crime, il va à Marseille pour voir un ancien ami, se perd dans la ville, aborde les enfants spontanément. « Je suis plutôt disposé à croire qu’il préparait son coup et qu’il avait trouvé un contexte favorable pour le réaliser. » « D’autant que (…) la découverte des deux couteaux et d’un fouet dans la malle de sa voiture permet de présumer quel sort pouvait être réservé à la victime même si l’on n’a pas de preuves qu’il s’en soit servi avant le meurtre ». On remarque ici l’acharnement de la police à faire de Ranucci un délinquant sexuel. Jusqu’au bout, Ranucci affirmera que ce prétendu « fouet » était en réalité un scoubidou. Aucun élément n’a jamais permis d’établir qu’il s’agissait réellement d’un fouet.

Autre point décisif dans le déroulement des faits selon Fratacci, le croquis dessiné par Ranucci correspond au lieu de l’enlèvement, ce sans aucun doute possible.


Pour Perrault, ce croquis ne constitue aucunement une preuve valide, puisque dans sa topographie des lieux, Ranucci s’est contenté de dessiner un immeuble bordé d’une route et d’un peu d’herbe. Pourtant, le lieu de l’enlèvement était remarquable par la présence d’un immense arbre qui n’apparaît pas sur le croquis.


Fratacci évoque l’ « étrange conversation » au bord de la route entre Ranucci et la fillette. Selon lui, Ranucci est alors en train d’élaborer les plans de ce qu’il va faire subir à la fillette. Perrault remarque que  cette conversation est une nécessité pour les policiers qui n’arrivent pas à faire coïncider l’heure de l’enlèvement et l’heure et le lieu de l’accident. Ranucci aurait en effet mis une heure pour parcourir les 20 Km qui séparent le lieu de l’enlèvement du lieu de l’accident…


La champignonnière


Une nourrice se trouve dans le coffre de la Peugeot de Ranucci : « Elle contient un liquide incolore et inodore, vraisemblablement de l’eau.» « Selon toute vraisemblance, l’eau qu’il contenait a permis à Ranucci d’effacer les traces de sang sur sa personne. » Perrault défend l’idée qu’elle contenait de l’essence, elle aurait permis un ravitaillement de la voiture. S’il s’agit d’essence, il est vrai que Ranucci aurait encore mieux pu se laver avec. Mais différents témoins comme le propriétaire de la champignonnière ne l’auraient-ils  pas senti ?


L’arrestation


Le pull-over rouge est trouvé dans la galerie, appartenant à un homme grand et robuste. Fratacci est d’accord pour dire que le pull n’est pas à Ranucci.

Fratacci évoque alors une thèse tout à fait nouvelle, à savoir la thèse de l’homosexualité de Ranucci. Ranucci serait venu dans la champignonnière avec un amant nocturne, l’homme au pull over rouge. Il aurait alors voulu cacher ses « turpitudes » (sic) jusqu’au bout, car sa mère ne l’aurait pas accepté. Fratacci est incapable de citer un seul élément à l’appui de sa thèse, et l’amalgame qu’il tente d’introduire entre homosexualité et pédophilie dénote un certain état d’esprit.

Le pull est flairé par le chien, ce qui ne donne pas de résultat selon Fratacci. Or, Perrault indique clairement que  le chien suit une piste, ce qui veut dire que l’homme est parti à pied de la champignonnière. Notons qu’il est impossible pour un chien de suivre un homme en voiture, voire en moto puisque les odeurs sont alors masquées par les effluves d’essence.

Le père de Ranucci habite près du lieu du crime. Or d’après Osswald, des témoins l’ont vu devant la maison de son père à l’heure de l’enlèvement, ce qui lui fournirait évidemment un alibi. Mais pour Fratacci, c’est un signe freudien : Ranucci a commis le crime près du village où habite son père.


L’inculpation :


Lors de la perquisition, sont trouvés dans le véhicule :


- un Opinel (notons que plus haut, une tournure de phrase sous-entend que deux couteaux auraient été saisis dans la voiture…l’amalgame est fréquemment utilisé par la police pour entretenir le flou autour de la saisie contestée  de l’arme du crime)
    - un fouet
    - des jumelles
    - un pantalon
    - un tuyau
    - une carabine à plomb
    - une seringue hypodermique
    - une bouteille d’alcool
    - deux cheveux

La 304 est saisie et emmenée à Marseille. Pour Fratacci, la voiture est saisie une fois, restituée, puis saisie une seconde fois. C’est tout. Perrault soutient la thèse d’une saisie frauduleuse et de la manipulation de procès verbaux concernant cet épisode...

Les aveux

Concernant la nuit à Marseille : « Nous n’avons jamais recueilli aucun écho crédible de cette hypothétique virée » (ici c’est le terme « crédible » qui est important, alors que cet épisode met gravement en cause la parole de plusieurs agents de l’Etat).

Episode du chien écrasé : Ranucci écrase un chien à Marseille, appartenant à M. Moussy.  Ranucci et Moussy échangent leurs identités. Fratacci est chargé de retrouver Moussy, mais n’y parvient pas, « sans doute parce qu’il n’y avait en réalité personne à trouver. De toutes façons, ce témoignage n’aurait rien changé… » Or il admet ensuite avoir été confronté à Moussy en 82. Fratacci se plaint du fait qu’on l’a mis en face de Moussy pour que ce dernier dise si c’est bien Fratacci qui était venu relever sa déposition la première fois. (Pour quelqu’un qui n’existe pas, Moussy pose donc quelques problèmes à  Fratacci.)


L’assassinat :

« La journée du 6 donna lieu à plusieurs confrontations, principalement avec les Aubert. On leur présenta Christian Ranucci, au milieu de plusieurs autres hommes, et ils le reconnurent formellement » (ceci est extrait d’un long plaidoyer pour les Aubert. Mais ici, Fratacci omet de préciser le fait qu’ils n’ont d’abord pas reconnu Ranucci. Ce n’est qu’une fois que les présentations ont lieu face à face qu’Aline Aubert voit en Ranucci l’assassin).

L’arme du crime :

Fratacci revient sur la présence de cotes différentes sur les procès verbaux :
Le 6 juin 74, à 17H 30, le commissaire Alessandra détaille dans le PV n° 828/SNC/cote 17 les premiers objets saisis. Le lendemain, il mentionne sur le PV : « De même suite, disons que nous déposerons au greffe du tribunal de grande instance (…) le couteau (arme du crime) ». Alessandra ne précise alors pas sur ce PV du 6 juin qu’il écrit le 7 juin. Mais ce n’est qu’une maladresse selon Fratacci (rappelons qu’il parle du procès verbal énumérant les pièces saisies, dont l’arme du crime). « Mais il s’agit plus d’un document de travail interne que d’un PV… » Justifie Fratacci.

Ici Perrault insiste sur le fait troublant que constitue la saisie par PV d’un couteau à l’heure où l’on sort ce couteau du sol...

Concernant d’autres accusation impliquant Ranucci, Fratacci affirme : « Contrairement à ses affirmations, ce n’était pas la première fois, le 3 juin 1974, que Christian Ranucci avait eu l’idée d’emmener un enfant se promener seul en sa compagnie. Parmi ses antécédents, on relève au moins deux circonstances dans lesquelles il s’est intéressé à des enfants dans des conditions suspectes. Une première fois à Nice, à la fin de 1973, il a été surpris en train de suivre une fillette, Sandra X…

Une deuxième fois, le 15 avril 74, il a enlevé pendant un certain temps un garçonnet, le jeune Patrice X…, âgé de 4 ans et demi. Il lui a donné rendez-vous pour le lendemain dans l’entrée de son immeuble. Mais l’enfant a parlé à son père de ce rendez-vous avec un monsieur, et le père était intervenu. Ranucci, incapable d’expliquer sa présence, avait pris la fuite. »

(Quelques données : si cela est vrai, la justice devait passer… et cela devait faire partie des crimes reprochés à Ranucci. Cela n’a pas été le cas. Ensuite, rappelons qu’à la fin 73, comme le prouve Perrault, Ranucci est en Allemagne où il effectue son Service national ; pour la deuxième affaire, précisons que le père de l’enfant à répondu à un article illustré d’une photo de Ranucci demandant si les lecteurs avaient eu affaire à ce meurtrier d’enfant…le garçon n’a lui jamais reconnu Ranucci.)


Conclusion
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La conclusion de Fratacci se passe de commentaires. Elle résume admirablement l’état d’esprit dans lequel le livre a été écrit : « Ranucci était coupable. (…) L’honneur est sauf. Je me sens à présent davantage en paix. Même si le fantôme d’un jeune guillotiné vient parfois me troubler. J’ai fait mon métier. Je n’ai rien à me reprocher ».

 
 

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© Association Affaire Ranucci : pourquoi réviser ? Association régie par la loi du 1er juillet 1901
Numéro de parution 20020004, le 26 janvier 2002